Obstacles et facilitateurs du dépistage avec option de refus de l'hépatite C dans les prisons provinciales du Québec

Une étude de CanHepC explore les obstacles et les facilitateurs à la mise en œuvre du dépistage avec option de refus de l'hépatite C dans les prisons provinciales du Québec.

Bien que l'élimination de l'hépatite C soit désormais possible grâce à l'avènement de la thérapie antivirale à action directe, atteindre l'élimination nécessitera des efforts spécifiques dirigés vers les populations qui sont touchées de manière plus disproportionnée par le virus. Au Canada, l'hépatite C est beaucoup plus fréquente chez les personnes incarcérées (PI) que dans la communauté, ce qui en fait une population prioritaire sur laquelle concentrer les efforts. Des études montrent que les PI sont plus susceptibles d'accéder aux soins de santé offrant la possibilité de les arrimer aux soins de l’hépatite C pendant leur incarcération, mais pour que cela se produise, ils doivent d'abord subir un dépistage de l'hépatite C.

Dans cette étude, les auteurs avaient pour but d’évaluer les obstacles et les facilitateurs ayant un impact sur la mise en œuvre d'une stratégie de dépistage par laquelle les PI sont informées que le test de l'hépatite C est effectué à moins qu'ils ne le refusent (appelée 'opt-out’ en anglais) dans les prisons provinciales du Québec. Le dépistage avec option de refus est considéré comme l'étalon-or des stratégies de dépistage offrant le plus grand potentiel d’augmenter le diagnostic et l’arrimage aux soins en hépatite C des PI. À l'heure actuelle, le dépistage de l'hépatite C est sous-optimal dans les prisons provinciales du Québec et est principalement offert sur la base d'une évaluation des risques ou sur demande, ce qui entraîne souvent des occasions manquées d'identifier les cas d'hépatite C et d'amorcer l’arrimage subséquent avec les soins.

Dans cette étude, les auteurs ont mené des entrevues qualitatives avec 8 intervenants correctionnels (ex. représentants du gouvernement, de la santé publique ou des autorités régionales) et 8 intervenants professionnels de la santé (ex. infirmières ou médecins en milieu carcéral) dans 4 prisons provinciales du Québec. Ils ont utilisé des cadres directeurs de mise en œuvre pour encadrer les méthodes d'interview, les questionnaires et analyser les réponses reçues pour en tirer les déterminants spécifiques de la mise en œuvre du dépistage avec option de refus de l'hépatite C. Ils ont également décrit les processus décisionnels multisectoriels liés au dépistage de l'hépatite C dans les prisons provinciales du Québec.

Pour les intervenants correctionnels, le manque de volonté politique a été identifié comme un obstacle. Ils ont souligné l'absence de recommandations formelles sur la stratégie de dépistage de l'hépatite C à privilégier dans les prisons provinciales et se sont inquiétés du fait que les PI aient été omises en tant que population prioritaire dans les lignes directrices régionales. De plus, dans les prisons où les services de santé sont administrés par le ministère de la sécurité publique, le fait que celui-ci doive défrayer le coût du traitement (> 60 000 $ CA) a un effet dissuasif sur le dépistage de l’hépatite C. La disponibilité limitée du personnel a également été perçue comme un obstacle à la mise en place du dépistage avec option de refus pour les intervenants correctionnels ainsi que le manque de considération pour les enjeux de mise en œuvre, le dépistage de l'hépatite C n'ayant jamais fait l'objet d'un projet pilote dans les prisons provinciales du Québec.

Les professionnels de la santé ont exprimé des sentiments mitigés quant à la mise en œuvre du dépistage avec option de refus de l'hépatite C dans les prisons. S'ils étaient enthousiastes à l'idée de potentiellement détecter plus de cas d'hépatite C, de réduire la transmission et les méfaits, ils étaient également pessimistes quant à la faisabilité. L’augmentation potentielle de la charge de travail, la dépendance à l'égard du personnel correctionnel qui n'est pas toujours solidaire et qui, dans certains cas, se pose même en adversaire, le manque de ressources et de soutien de la haute direction et d'autres priorités concurrentes provoquées par la pandémie de COVID-19 représentaient des obstacles importants à surmonter.

Quant aux processus décisionnels liés à la prise en charge de l'hépatite C dans les prisons du Québec, ils se sont avérés être hiérarchiques et complexes. Par exemple, les documents de lignes directrices provinciales relatives aux soins des infections transmissibles sexuellement par le sang (ITSS) sont adaptés et opérationnalisés par chaque autorité régionale de la santé, ce qui entraîne un accès différentiel aux infirmières en ITSS et des variations dans le déploiement du dépistage des ITSS (y compris le dépistage de l'hépatite C) dans les prisons provinciales.

Cette étude a identifié des thèmes transversaux et des problèmes systémiques liés à la mise en œuvre du dépistage avec option de refus de l'hépatite C dans les prisons provinciales du Québec. Les auteurs ont souligné l'importance de tenir compte de l'engagement des parties prenantes, y compris les personnes ayant une expérience vécue de l'incarcération, dans la mise en œuvre du dépistage avec option de refus de l'hépatite C. Cette étude a identifié plusieurs facteurs politiques, structurels et organisationnels à traiter qui devront être priorisés par toutes les parties prenantes impliquées à l'avenir.

Lien vers l'article (en anglais):

Identifying barriers and enablers to opt-out hepatitis C virus screening in provincial prisons in Quebec, Canada: A multilevel, multi-theory informed qualitative study with correctional and healthcare professional stakeholders. Ana Saavedra Ruiz, Guillaume Fontaine, Andrea M. Patey, Jeremy M. Grimshaw, Justin Presseau, Joseph Cox, Camille Dussault, Nadine Kronfli. International Journal of Drug Policy, Volume 109, 2022, 103837, ISSN 0955-3959.